vendredi 19 décembre 2008

Une journée ordinaire au centre EVAM de Moudon

Depuis plus d'une année, avec un groupe de bénévole nous allons prendre un café avec les requérants une fois par mois au centre EVAM de Moudon. Le centre c'est deux immeubles avec une trentaine d'appartements dans lesquels vivent des familles de requérants en cours de procédures (il n'y a pas de NEM ou de déboutés en principes).
L'idée de cet endroit est de permettre aux requérants de s'intégrer progressivement à une "vie normale" d'immigré en Suisse. (sans trop d'encadrement ou de coaching).

Ci-dessous le schéma EVAM des phases dans la processus vaudois d'accueil des requérants- Les requérants ne devraient arriver à Moudon qu'après 6 mois d'"accueil et de sociabilisation"




















De mois en mois, nous avions donc plutôt pris l'habitude de voir des développements positifs au sein des familles avec lesquelles nous discutions. par exemple l'ouverture d'un Cyber-café
A la fin de l'été nous avions bien entendu qu'un des appartements du centre était désormais occupé par un groupe de célibataires venant d'Erythrée, mais sans trop approfondir la question.
Mardi passé en arrivant pour notre café, nous avons assez brutalement été confronté aux réalités sur le terrain des "optimisations de l'hébergement et l'utilisation maximale" que l'EVAM  pratique .

C'est tout d'abord une jeune mère Erythréenne qui ne parle qu'un minimum d'anglais et qui cherche à rentrer dans son appartement. Elle est arrivée à Moudon depuis 5 jours directement de Vallorbes avec son bébé de 9 mois et son mari. Son bébé étant malade elle a dû se débrouiller toute seule pour le faire soigner et dans le stress elle a perdu ses clés. Donc impossible pour elle de rentrer dans son appart. Dans de tels cas une centrale d'appel EVAM est censée être à disposition, durant l'après-midi nous essayons à plusieurs reprises d'atteindre ce numéro sans succès. Finalement c'est le concierge qui ouvre la porte à la jeune maman épuisée.
Ce n'est que le lendemain matin qu'à force d'insister nous atteignons la centrale logistique de l'EVAM à laquelle nous expliquons la situation. 
Le lendemain, nous retournons la voir afin de lui expliquer un peu quels sont les possibilités et les obligations de la vie dans son nouvel appartement (où faire les courses, la lessive...) et voir si elle a besoin de quelque chose de particulier.  On se fait comprendre avec des bribes d'anglais et grâce à des coups de fils à son mari (qui suit des cours de français à Lausanne). Elle nous raconte son parcours depuis la corne de l'Afrique, jusqu'en Lybie ou nait son fils, puis la traversée de la Méditerranée et l'arrivée en Sicile.

Dans nos vas et viens dans les couloirs des immeubles, nous croisons également une famille kurde arrivée depuis plus d'un mois qui ne parle que kurde et arabe et dont les enfants adolescents ne sont pas encore scolarisés.
Enfin dans d'autres appartements, il s'agit plutôt de problèmes de cohabitations entre cinq célibataires qui doivent partager un appartement.
Les appartements des deux immeubles de Moudon sont vraiment plutôt vastes et lumineux, les conditions matérielles d'hébergement sont excellentes. Les problèmes qui sont en train de miner cet équilibre sont avant tout liées à l'absence d'encadrement pour les nouveaux arrivants.
L'assistant social qui devrait accompagner ces problèmes est positionné à Yverdon et ne peut donc pas faire son travail dans des bonnes conditions.

Si ces nouveaux arrivants étaient bel et bien des familles ayant déjà suivi un chemin de sociabilisation et d'intégration de plusieurs mois, cela pourrait fonctionner. Mais comme dans l'urgence on y envoie des gens directement depuis Vallorbes.

C'est encore pire avec l'arrivée de célibataires. La cohabitation entre eux n'est pas simple, mais ce n'est pas mieux avec les familles déjà installées. Une présence permanente de l'EVAM serait indipensable pour mettre un peu d'huile dans les rouages, assurer un contrôle minimal des présences et une surveillance

En tous les cas en quelques semaines, nous avons pu constater une évolution très préoccupante de l'atmosphère dans ces deux immeubles. Espérons vraiment qu'il sera rapidement possible de retrouver  une meilleure situation 

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Confronté comme les autres cantons à des arrivées qui dépassent les prévisions de la Confédération, l'EVAM fait son possible pour accueillir au mieux les nouveaux demandeurs d'asile. Les personnes qui n'ont pas pu être placées à Ste-Croix et Crissier - sites consacrés à la phase accueil et socialisation - bénéficient de cours de français et de modules de sensibilisation près des foyers du Simplon, de Bex et de Leysin. Cet encadrement a été mis en place dans l'urgence avec l'engagement de nouveaux enseignants. Quelques familles ont également été logées en appartement ou à l'hôtel, afin de repousser autant que possible le moment où il faudra peut-être se résoudre à placer des gens dans un abri de la Protection civile...

Daniel a dit…

Une semaine après la publication de ce post, j'apprends que de nombreuses mesures correctrices ont d'ores et déjà été prises par les responsables de l'EVAM.
Les voici en deux mots:
- les 5 célibataires dans un seul appartement, ceci fut une erreur qui a été corrigée depuis.
- des mesures de soutien particulières pour les requérants en provenance directe de Vallorbes ont été mise en place, y compris l'engagement d'un assistant social supplémentaire.
- grâce à la mobilisation conjuguée des requérants voisins, des bénévoles et de l'EVAM, des solutions pratiques ont pu être ébauchée (initiation aux us-et-coutumes de Moudon, au français, accès à des habits et du matériel pour bébé, etc...)
Dont acte pour ce petit miracle de Noel...

Anonyme a dit…

Je ne suis pas persuadé que les mesures d'encadrement/intégration/engagement annoncées par l'EVAM en décembre 2008 soient véritablement efficaces. Il y a un nombre considérable de requérants qui ne suivent pas la filière EVAM, qui ne passent pas par les étapes de sociabilisation, qui n'ont aucun cours de français, qui ne bénéficient de rien, si ce n'est d'un toit.
L'EVAM se vante de prendre des mesures en vue de l'affluence de nouveaux demandeurs d'asile, mais ce n'est pas efficace. J'ai parfois même l'impression que ce ne sont que des mots pour rassurer ceux qui s'interrogent sur les conditions de l'asile dans le canton de Vaud.
Dans mon travail de bénévole auprès des requérants, il m'arrive d'avoir des moments de découragement et de rage. Si je ne les exprime pas ouvertement, tels que je les ressens, c'est juste pour pouvoir continuer à agir au mieux pour les requérants.