vendredi 19 décembre 2008

Une journée ordinaire au centre EVAM de Moudon

Depuis plus d'une année, avec un groupe de bénévole nous allons prendre un café avec les requérants une fois par mois au centre EVAM de Moudon. Le centre c'est deux immeubles avec une trentaine d'appartements dans lesquels vivent des familles de requérants en cours de procédures (il n'y a pas de NEM ou de déboutés en principes).
L'idée de cet endroit est de permettre aux requérants de s'intégrer progressivement à une "vie normale" d'immigré en Suisse. (sans trop d'encadrement ou de coaching).

Ci-dessous le schéma EVAM des phases dans la processus vaudois d'accueil des requérants- Les requérants ne devraient arriver à Moudon qu'après 6 mois d'"accueil et de sociabilisation"




















De mois en mois, nous avions donc plutôt pris l'habitude de voir des développements positifs au sein des familles avec lesquelles nous discutions. par exemple l'ouverture d'un Cyber-café
A la fin de l'été nous avions bien entendu qu'un des appartements du centre était désormais occupé par un groupe de célibataires venant d'Erythrée, mais sans trop approfondir la question.
Mardi passé en arrivant pour notre café, nous avons assez brutalement été confronté aux réalités sur le terrain des "optimisations de l'hébergement et l'utilisation maximale" que l'EVAM  pratique .

C'est tout d'abord une jeune mère Erythréenne qui ne parle qu'un minimum d'anglais et qui cherche à rentrer dans son appartement. Elle est arrivée à Moudon depuis 5 jours directement de Vallorbes avec son bébé de 9 mois et son mari. Son bébé étant malade elle a dû se débrouiller toute seule pour le faire soigner et dans le stress elle a perdu ses clés. Donc impossible pour elle de rentrer dans son appart. Dans de tels cas une centrale d'appel EVAM est censée être à disposition, durant l'après-midi nous essayons à plusieurs reprises d'atteindre ce numéro sans succès. Finalement c'est le concierge qui ouvre la porte à la jeune maman épuisée.
Ce n'est que le lendemain matin qu'à force d'insister nous atteignons la centrale logistique de l'EVAM à laquelle nous expliquons la situation. 
Le lendemain, nous retournons la voir afin de lui expliquer un peu quels sont les possibilités et les obligations de la vie dans son nouvel appartement (où faire les courses, la lessive...) et voir si elle a besoin de quelque chose de particulier.  On se fait comprendre avec des bribes d'anglais et grâce à des coups de fils à son mari (qui suit des cours de français à Lausanne). Elle nous raconte son parcours depuis la corne de l'Afrique, jusqu'en Lybie ou nait son fils, puis la traversée de la Méditerranée et l'arrivée en Sicile.

Dans nos vas et viens dans les couloirs des immeubles, nous croisons également une famille kurde arrivée depuis plus d'un mois qui ne parle que kurde et arabe et dont les enfants adolescents ne sont pas encore scolarisés.
Enfin dans d'autres appartements, il s'agit plutôt de problèmes de cohabitations entre cinq célibataires qui doivent partager un appartement.
Les appartements des deux immeubles de Moudon sont vraiment plutôt vastes et lumineux, les conditions matérielles d'hébergement sont excellentes. Les problèmes qui sont en train de miner cet équilibre sont avant tout liées à l'absence d'encadrement pour les nouveaux arrivants.
L'assistant social qui devrait accompagner ces problèmes est positionné à Yverdon et ne peut donc pas faire son travail dans des bonnes conditions.

Si ces nouveaux arrivants étaient bel et bien des familles ayant déjà suivi un chemin de sociabilisation et d'intégration de plusieurs mois, cela pourrait fonctionner. Mais comme dans l'urgence on y envoie des gens directement depuis Vallorbes.

C'est encore pire avec l'arrivée de célibataires. La cohabitation entre eux n'est pas simple, mais ce n'est pas mieux avec les familles déjà installées. Une présence permanente de l'EVAM serait indipensable pour mettre un peu d'huile dans les rouages, assurer un contrôle minimal des présences et une surveillance

En tous les cas en quelques semaines, nous avons pu constater une évolution très préoccupante de l'atmosphère dans ces deux immeubles. Espérons vraiment qu'il sera rapidement possible de retrouver  une meilleure situation 

jeudi 27 novembre 2008

chronique accompagnante, jeudi 27 novembre

J'avais dans ma poche un appareil de photos et les enfants ont vite compris que je n'attendais que leur sourire pour jouer du flash! Bon, tout d'abord, je voulais prendre le corridor, celui du deuxième, là où on voit tous les souliers devant les portes. Malheureusement, il était trop tard et mon flash m'a dénoncée! Et ce redzipéteur a recommencé quand j'ai photographié la cuisine si sale en pensant combien j'aurais de la difficulté à devoir préparer des repas si j'habitais là... Mais je n'ai pas pensé longtemps: "madame, tu me prend en photos?" c'est plus un ordre qu'une demande à laquelle j'obtempère volontiers dans un brouhaha juvénile :-))
Des portes se sont ouvertes: la grand-maman qui avait eu si peur l'autre jour est venue: tout d'abord, elle était un peu hésitante, mais elle n'a pas résisté longtemps aux cris joyeux des enfants! Dommage, j'ai raté son plus beau sourire, quand elle ôtait son foulard vert, découvrant ainsi ses cheveux blancs. C'est peut-être stupide, mais je ne sais pourquoi, je n'imaginais pas ses cheveux blancs... Elle s'est lancée dans une longue conversation. Visiblement, il était question des nombreux enfants qu'elle avait élevé. Je l'ai su car à un moment elle a pris ma main gauche, à frôlé furtivement mon alliance et m'a montré six avec ses doigts. Et comme je n'ai pas six enfants... Ce couloir sombre est devenu une place de jeu: des fillettes se sont trouvées l'espace d'un moment mannequin. Promis, la semaine prochaine, je leur apporterai "photo-papier".
Puis les piles ont exprimé leur fatigue. On a discuté encore un moment de notre journée, des adultes me pressaient de venir boire un café dans leur chambre. Une dame se tenait en retrait, je l'ai regardée. Elle vient de l'Afghanistan, si j'ai bien compris. On s'est serrée dans les bras, elle a reculé et m'a montré l'appareil de photos que je tenais encore, en pointant son doigt vers elle. Par chance, les piles reposées ont accepté quelques minutes de travail supplémentaire. "elle aussi, papier photo" m'a précisé un enfant en souriant, fier de son français!

Witness

mercredi 26 novembre 2008

Témoignage

Il est arrivé un peu par hasard en Suisse : il voulait juste que le bruit des armes à feu cesse de résonner dans ses oreilles, ses jours et ses nuits. Il voulait juste pouvoir sortir de chez lui sans craindre un attentat, rester chez lui sans craindre une intrusion. Sa maman l’a béni avant qu’il ne parte : elle pleure à chaque rare échange téléphonique.
Pis lui, attribué au canton de Vaud, s’est essayé dans de nouvelles relations. Consigné au centre de Vennes, il l’a fuit avec application pour éviter ces miroirs présentés par d’autres jeunes hommes parqués comme lui. Déménagé à Bex, il a essayé d’entrer en contact avec des Suisses. Petit à petit, il a essayé de construire des relations juste normales. Il s’est appliqué avec ses quelques mots de français appris ici et là. Il voulait s’inscrire à un cours de langue, même s’il n’en avait pas le droit. Il se sentait soutenu.
Puis, un jour, sans trop bien comprendre pourquoi, il a été encore déménagé. Avec non plus une modique somme pour se nourrir, mais des repas distribués à heures fixes. Et s’il n’y est pas, rien.
On se rencontre à la gare : il s’est présenté au contrôleur avant de monter en train, lui tendant ses papiers en gage se sérieux, lui expliquant qu’il était attendu par quelqu’un qui allait lui payer le billet. Un contrôleur coopérant, humain a eu confiance en lui. Il pleure en le remerciant.
Il me regarde et me glisse: ma maman, pas aimer voir toi payer pour moi, pas comme ça. Le contrôleur l’entend et lui donne la somme que je viens de régler.
Le train repart, il continue son trajet.

Witness

jeudi 13 novembre 2008

chronique accompagnante, jeudi 13 novembre

Elle boit son café à petites gorgées. La porte fermée de sa chambre, c'est comme une petite bulle dans cette fourmilière qu'est un centre, ô pardon un foyer. Elle boit lentement son café à petites gorgées, ravie de ma visite. Tout à coup elle me demande si je désire une tranche de gâteau. Un gâteau? Oui, on parlait avec les copines et on avait envie d'un gâteau. On a rassemblé tout ce qu'on avait qui pouvait faire un gâteau. Tu veux?
Elle ouvre délicatement la porte de son armoire et sort prudemment LE gâteau. Je suis surprise, il est si peu mangé. Est-ce dû à son goût? il a été fait avec si peu... Elle m'en coupe une large tranche et me la tend. C'est bon. C'est délicieusement bon. Elle est ravie qu'il me plaise: tu sais on a fait attention de ne pas tout le manger aujourd'hui. Demain, il en restera encore!
Elle boit délicatement son café à petites gorgées, me regardant manger cette tranche de bonheur cuisiné.
Et dans le calme de cette chambre, elle me raconte: la porte de sa chambre vient d'être réparée et c'est un bonheur que de la savoir pouvant se fermer. Sa copine de l'étage d'en dessous a trouvé un mec dans sa chambre. Ils se sont battus, elle hurlait.
Sa tasse de café est vide. Elle me sourit, tellement contente de ce moment protégé.

Witness

jeudi 6 novembre 2008

chronique accompagnante, jeudi 6 novembre

Jeudi 6 novembre

Elle parle. Elle parle. Elle parle encore et encore. Elle m'explique combien il est difficile pour elle de ne rien laisser paraître de sa détresse intérieure. Pour ses enfants, mais aussi pour ses compagnes d'infortune. Alors, comme je suis de l'extérieur, elle parle. Elle raconte son père qui se meurt au pays et qu'elle ne peut qu'entendre s'essouffler au travers d'un téléphone récupéré, usé, qui amplifie le désarroi et la tristesse. Elle raconte la promiscuité, la difficulté à se faire obéir par ses propres enfants, toujours sollicités par d'autres enfants. Son petit dernier s'approche et pose la tête sur la cuisse de sa mère. Sans même que nous nous en rendions compte, il s'endort, là, à moitié debout. Elle se tait. Nous regardons cette vie qui sommeille si sereinement. Nous nous sourions dans le silence. 

Ils parlent. Lui, avec ses quelques mots de français, d'italien et d'allemand, elle plus agile, plus compréhensible. Ils parlent, racontent leur guerre, les maisons détruites, les soldats, la famille disparue. Ils parlent encore et encore, il parle quand elle va dans sa chambre chercher une feuille qui manque au dossier. Un des enfants s'est endormi à table, tenant le biscuit dans une main, l'autre bras replié sous sa tête. Nous le regardons dormir, si tranquille, se sentant en sécurité alors que ses parents pleurent des refus successifs. Il dort si bien que spontanément nous baissons la voix. Juste lui laisser ses rêves, encore, un peu.

Je monte au troisième étage. Je reste un moment à regarder les chaussures qui ponctuent ce long couloir. Il fait froid à l'extérieur des chambres: les fenêtres sont ouvertes et laissent s'échapper des odeurs de poissons, de tourte, de viande.  Des vies qui se bousculent par odeurs interposées, des traditions qui refusent le mélange. Près de la cage d'escalier, je rencontre une grand-maman que je vois régulièrement. Je m'approche pour l'embrasser comme d'habitude. Elle me regarde effrayée, recule, cherche du regard angoissé un de ses petits-enfants. Une fillette lui raconte qui je suis: elle est toute désolée cette grand-maman qui ne mange plus depuis une semaine, qui pleure un retour obligé. Nous nous enlaçons, elle reste là, tremblant. La fillette la prend par la main et la ramène dans leur chambre commune. Une autre m'explique: "c'est à cause de la police, tu sais, ils sont venus deux fois. Une fois pour prendre une famille, une fois, cette nuit, pour prendre les méchants. Elle croit que la prochaine fois, la police la prendra elle."

C'est vrai qu'en venant tout à l'heure, j'ai entendu aux informations que la police avait perquisitionné des chambres au centre. Mais, étrangement, j'ai occulté cette nouvelle en entrant dans ce lieu. Je venais voir des familles que je côtoie hebdomadairement, et cette nouvelle diffusée sur les ondes était si peu pertinente dans nos rencontres...


Witness

dimanche 2 novembre 2008

Chronique accompagnante dans un foyer d'aide d'urgence - Jeudi 30 octobre

Il pleut. Il fait froid. Rien que l’idée d’aller au centre me glace les os. Avant même avoir pris ma voiture, je sens déjà les odeurs bruyantes et les bruits acres qui me rongent le fond de la gorge. Hier soir, j’ai accompagné un jeune devenu suisse: convoqué au recrutement, il s’est souvenu des bruits assourdissants et des odeurs suffocantes de la guerre. Le docteur n’a pas fait long pour être convaincu que d’envoyer ce jeune à l’armée serait faux. Après la rendez-vous, le calme a été long à revenir. Les souvenirs se pressaient, ravis d’exposer leurs blessures.
Alors dans ma voiture, j’ai froid, j’ai sommeil et j’arrive juste pour la permanence. Bien que située dans un local à une centaine de mètres du centre, la première personne à se présenter ravive brusquement les odeurs, les bruits. Cette mère de famille nombreuse me présente un paquet de feuilles. Ces feuilles sont toute sa vie ici en Suisse. Elles racontent le combat perdu, désespéré d’humains pour avoir le droit à la dignité. Oh, pas un grand droit: juste de quoi se tenir droit dans la vie, juste de quoi élever les enfants.
Je la regarde différemment aujourd’hui: ma fatigue m’enlève quelques protection! Je discerne qu’elle a dû être belle et comme un gribouillis furieux d’enfant fâché, je vois les galères traversées qui balafrent son visage. Son enfant de dix ans est là, parlant le français comme tous les enfants suisses, fâché d’avoir dû suspendre sa vie d’enfant pour s’occuper de trucs d’adultes. Et cette odeur qui s’échappe des dossiers raconte encore plus violemment que les larmes retenues: refus, renvoi, mesures de contraintes, paiements. Quoi dire, comment le dire? Je remets de l’ordre dans ses dossiers: des feuilles indiscrètes m’informent de leur peine à se conformer aux habitudes de civilité suisse (tel qu’écrit!). Ça m’énerve: c’est quoi cette histoire de civilité alors que cette famille va être renvoyée au pays, dans un coin que j’ai visité lors d’un voyage? Je ferme les yeux: les odeurs des arbres, le silence s’entrechoquent. Il n’y a rien à faire dans ce coin de pays comme il n’y a rien à faire dans le centre. Des indigènes s’étaient approchés de moi, m’offrant une grenade. Je lui offre quoi moi à cette femme qui tout à l’heure a dû presque se battre pour avoir un peu de nourriture, surplus des magasins locaux?
Mais bon, pas le temps de s’épancher. Au suivant. AU SUIVANT chante le Grand Jacques dans ma tête.
A la suivante: la femme sourit. Elle raconte un peu sa vie. Elle raconte surtout sa vie dans les centres vaudois: je défie quiconque de mieux connaître les centres tant elle a été déplacée, replacée, placée... Une professionnelle attentive a effectué une démarche inconnue de son accompagnatrice. J’explique qu’il me semble que c’est une bonne initiative. Un peu d’espoir partagé avidement. Elle repart, sérieuse et apaisée. Elle quitte les lieux alors que j’ai dû rapidement passer dans une autre pièce. Je la rappelle, elle revient en arrière et nous nous embrassons. Merci, me glisse-t-elle à l’oreille. Elle retourne au centre dans le bruit, les cris, les toilettes bouchées, les claquements de portes. J’inspire un grand coup et je frissonne.
Au suivant.

A witness

mardi 21 octobre 2008

Histoire de retenus l'horreur institutionnelle des Centres de rétention (Cra) France

20-10-2008 13:49
Auteur : c'etait pire demain - http://switzerland.indymedia.org/fr/2008/10/63767.shtml

Toutes les histoires présentées ci-dessous sont réelles. Elle se sont déroulées durant l'année 2007.
Centre de Toulouse :

Début octobre une jeune femme kurde enceinte est placée en rétention avec sa petite fille de 16 mois. Lors du placement en garde à vue qui faisait suite à sa convocation au commissariat un certificat médical émanant du gynécologue suivant cette femme est produit, qui atteste que la grossesse ne se passe pas très bien et qu'il y a de sérieux risques de complications. Cela n'émeut pas outre mesure les fonctionnaires qui décident d'infliger tout de même un transfert en voiture de plus d'une heure à cette femme et à sa fille. Durant le trajet le véhicule devra par deux fois s'arrêter pour que la maman puisse vomir. Quelques heures après son arrivée au centre de rétention elle se met à perdre du sang et est emmenée en urgence à l'hôpital. Le verdict tombe, les deux jumeaux qu'elle portait sont morts. Elle sera libérée quelques heures plus tard.

Centre de rétention de cayenne :

Lundi 3 décembre, l'édition quotidienne de France-Guyane informe ses lecteurs qu'un « clandestin meurt après un passage à la PAF ». Le journaliste relate un fait divers, qui date du 13 novembre 2007 et qui concerne M. C. D., ressortissant brésilien de 22 ans. Ce jeune homme se trouvait en Guyane en situation irrégulière. Il repartait vers le Brésil lorsqu'il a été contrôlé par la PAF. Constatant son séjour irrégulier, les policiers de la brigade mobile de recherche le placent en garde à vue (GAV). Durant son interrogatoire etplus généralement durant sa GAV, il se plaint d'être malade et vomit par trois fois. Les équipes du SAMU auraient été contactées par la police, mais ce jeune homme aurait apparemment dû attendre la signature de sa reconduite à la frontière et son passage en rétention le lendemain pour être escorté jusqu'aux urgences de l'hôpital de Cayenne, où il décèdera 6 heures après son admission.

Centre de rétention de Strasbourg :

M. D., de nationalité turque, est entré en France en 1987. Il a obtenu le statut de réfugié en 1989. Il s'est marié en 1993 avec une résidente française avec qui il a eu 4 enfants âgés de 13, 11, 10 et 6 ans tous nés et scolarisés en France. Le 9/11/1995, il a été condamné à 3 ans de prison et 10 ans d'interdiction du territoire français. L'interdiction de territoire français (ITF) lui a été notifiée le 19/11/1998. Il n'a plus eu de problème avec la justice ou l'administration de 1998 à 2007. Mais la préfecture de la Meurthe-et-Moselle a décidé de mettre à exécution son ITF. Le 13/09/2007 son placement en rétention lui a été notifié. La direction des libertés publiques et des affaires juridiques a été saisie mais n'a pas donné suite à sa demande. Le 21/09/2007, il a été libéré suite à la décision de la CEDH, décision prise sur la base de l'article 8.

Centre de rétention de Sète :

M. G., ressortissant tunisien, est arrivé en France en 1970, à l'âge de 5 ans. Condamné à plusieurs reprises, il fait l'objet d'un arrêté d'expulsion. Il est expulsé deux fois, en 1999 et en 2001. Il revient à chaque fois très rapidement en France. Il est parent d'enfant français et vit depuis deux ans avec une ressortissante française. Il saisit le préfet de l'Hérault d'une demande d'admission au séjour, persuadé que son arrêté d'expulsion n'est plus valable, depuis le temps. Il est interpellé à son domicile, placé en garde à vue puis au CRA. Porteur de l'hépatite C, la DDASS estime qu'il peut être soigné en cas de retour en Tunisie. Finalement, emmené à Marseille pour prendre le bateau le dernier jour de rétention, le laissez-passer ne sera pas délivré à temps. M. G. est donc remis en liberté sur le port de Marseille.

Centre de rétention de Rouen :

Une mère Khirgize a été placée en rétention suite à une arrestation en préfecture dans le cadre d'une réadmission Dublin. Mais son fils est en France et a obtenu récemment le statut de réfugié. Un vol a été prévu pour le lendemain pour la République tchèque, la dame s'est ouvert les veines avec un bout de fermeture éclair de pantalon La préfecture n'ayant pas prévu de solliciter une prolongation de la rétention auprès du JLD, la dame a été libérée.

Centre de rétention de Paris - Vincennes :

M. G.A. est né le 8 décembre 1976 à Constantine. Son grand-père a été déclaré français le 20 mars1964. Par filiation, il est Français. Son grand-père a la nationalité française, ses oncles sont français, seule sa mère n'a pas encore fait reconnaître sa nationalité française. Celle-ci a cependant un droit à la nationalité qui est sur le point de se concrétiser. Ils ont ensemble déposé une demande auprès du TGI le 9 mars 2005. Monsieur G.A. est par ailleurs marié avec une ressortissante française. Il est donc entré en France régulièrement avec un visa de conjoint de français le 26 novembre 2004. Lorsqu'il a été placé en rétention, nous avons contacté le greffier en chef du service de la nationalité qui nous a faxé une attestation affirmant que monsieur est Français. Le droit à la nationalité française de monsieur n'est donc pas contesté par la justice. Le TA a prononcé un sursis à statuer mais M. G.A. n'a pas été libéré sur le champ, il a été ramené à Vincennes pour être, suite à notre intervention auprès du 8e bureau, libéré quelques heures plus tard.

Centre de rétention de Paris - Vincennes :

Monsieur W. né le 5 décembre 1977, de nationalité congolaise, est entré en France en 1992 de façon régulière, par la voie du regroupement familial. Il est donc, comme toute sa famille, présent sur le territoire depuis plus de 15 ans. Son père, sa mère, ses six soeurs et son frère vivent régulièrement en France, lui-même vit chez ses parents. Il est père d'un enfant français de 9 ans et d'une petite fille de 4 ans, résidente en France. Cette petite fille est atteinte de la drépanocytose, maladie génétique, extrêmement grave, responsable d'une anomalie de l'hémoglobine contenue dans les globules rouges, qui nécessite un traitement et un suivi médical lourd. Son état nécessite en particulier des transfusions sanguines pour lesquelles son père est le donneur privilégié car il a le même groupe sanguin et présente des garanties d'histocompatibilité. La présence de son père est donc particulièrement importante pour elle à tous égards.

M. W. contribue à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants à la fois matériellement et moralement. Il a résidé régulièrement sur le territoire de 1992 à 2003, d'abord avec une carte de séjour "étudiant" puis, à partir de 1997 avec une carte de séjour temporaire "vie privée et familiale" qui a été renouvelée durant 5 ans. En 2003 il a fait l'objet d'une condamnation pénale pour escroquerie. A sa sortie de prison, un refus de titre de séjour lui a été opposé sur le fondement du risque de trouble à l'ordre public. Le 2 mars 2007, M.W. a été placé en rétention sous le coup d'une mesure de reconduite à la frontière. Son recours a été rejeté par le TA de Paris. Après intervention auprès de la PP, M.W. a été libéré à l'aéroport de Roissy quelques minutes avant son embarquement.

Centre de rétention de Rennes :

Monsieur et Madame Y, originaires de Moldavie et leur bébé de 3 semaines sont arrivés le 17/10/07 dans la soirée au CRA. Ils avaient été interpellés au domicile familial en même temps que la mère et la soeur de la maman du nouveau- né. La famille a été séparée, entre Rennes et la région parisienne. La famille avait une demande de réexamen pendante devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), dont la défense était assurée par Me Piquois. Très rapidement, les problèmes de logistique d'accueil d'une maman sortant de maternité avec son nouveau-né se sont posés : problèmes d'allaitement, soins et confort post-nataux de la mère, température de l'eau et endroit approprié pour la toilette du petit.

A son arrivée, le couple était visiblement en état de choc, la communication a d'abord été difficile. Après avoir compris le sens de l'action de la Cimade, ils se sont montrés moins craintifs. En accord avec Me Piquois, leur défense devant le JLD a été confiée à Me Goubin, avocat rennais spécialisé. Il a obtenu leur libération sur le fondement de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'Homme. A l'issue de l'audience JLD, en début de soirée (19h), la famille a été laissée sur le trottoir devant la cité judiciaire. La famille a alors été prise en charge par des associations rennaises.

La décision du JLD prise à leur égard a été confirmée par la cour d'appel de Rennes : « Le fait de maintenir en rétention une jeune mère de famille, son mari et leur bébé de trois semaines constitue un traitement inhumain au sens de l'article 3 de la CEDH. (.) La grande souffrance morale et psychique, infligée à la mère et au père, par sa nature, dépasse le seuil de gravité requis par l'article 3 de la CEDH et est manifestement disproportionnée par rapport au but poursuivi. » Dès le placement en rétention de ses clients, Me Piquois avait saisi le juge des enfants, la Défenseure des enfants Dominique Versini, le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) et différents médias. L'extrême jeune âge du petit qui avait fait un passage en garde à vue avec ses parents a attisé l'intérêt des médias qui ont ensuite relayé la décision de la CEDH et de la cour d'appel. Cette décision extrêmement importante et qui est une première en France, vient confirmer notre constat : les familles et les enfants n'ont pas leur place en rétention.

Plus d'histoires dans le rapport 2007 de la Cimade sur les centres de rétention

http://www.cimade.org/assets/0000/0645/Rapport_Cimade_retention.pdf

d'autres informations a venir sur le site c'était pire demain

http://www.cetaitpiredemain.org/

http://www.cetaitpiredemain.org/index.php?option=com_content&view=article&id=46&Itemid=53